Anca GÂŢĂ, Université “Dunărea
de Jos” de Galaţi, ROUMANIE
"…l'attitude
scientifique n'est que le prolongement de l'attitude naturelle” (Piguet 1960:
57)
1.
Introduction
Le discours scientifique
est considéré, dans tout ce qui suit, une instance du discours public parce
qu'il est de nature dialogale et qu’il suppose un auditoire représenté par
un ensemble d'auditeurs qui peuvent devenir parfois des interlocuteurs. En outre,
il est “médiatisé” par le biais des publications scientifiques et par le
biais de réunions, colloques, conférences, congrès au sein desquels se font
entendre des débats entre les spécialistes d’un domaine scientifique plus ou
moins circonscrit.
Les
divers types de discours public, à intentions et structures très variées et
différentes, ont tous en commun le caractère du destinataire / interlocuteur,
qui est public, collectif. Je fais la distinction entre destinataire et
interlocuteur dans le sens que le premier est censé pouvoir, souhaiter, et dans
certains cas, devoir réagir, tandis que le deuxième est censé pouvoir,
souhaiter, et devoir réagir sous forme discursive. La communication
scientifique est essentiellement discursive, c'est-à-dire elle se fait
essentiellement par le biais du discours, c'est une forme de communication
verbale et verbalisante (elle exige l'appel à la parole, à la langue, au
discours). [1]
2.
Le discours scientifique comme discours dans l’espace public
Dans le cas du discours
scientifique, le public est restreint à une communauté de spécialistes qui
ont en commun avec l'énonciateur un certain nombre de croyances et de savoirs.
Les instances de communication scientifique – accomplie à travers un
“canal” de communication scientifique – se répartissent en deux catégories:
1) les publications scientifiques, représentées par un grand ensemble
de traités, livres, cours, manuels et revues scientifiques qui n'ont pas tous
les mêmes caractéristiques; si les manuels, les cours et certains périodiques
ont un but plutôt informatif et explicatif, avec parfois un objectif de
vulgarisation, les publications scientifiques proprement dites, réunisssant des
articles scientifiques, ont un caractère argumentatif; 2) les communications
scientifiques dans le cadre des manifestations scientifiques; elles se
trouvent à l'origine des débats scientifiques – sous la forme des
discussions en fin de présentation, des tables rondes – qui en découlent, où
le discours prend le plus souvent un caractère argumentatif marqué, accédant
accessoirement à la polémique.
Comme
dans le cas de tout discours public, le groupe de destinataires / interlocuteurs
est en partie “défini abstraitement” (cf. Astolfi et al. 1998: 31)
et en partie construit à mesure que le discours se déploie, dans le sens que
l'énonciateur communique au destinataire des croyances et des savoirs nouveaux.
À la différence d'autres types de discours, où les croyances et les savoirs
communiqués ne sont pas nécessairement pris en charge comme vrais par le
destinataire, on peut supposer que le propre de tout discours scientifique
serait que ces croyances et savoirs sont partagés par le destinataire, c'est-à-dire,
ici, pris en charge comme vrais par au moins une partie du groupe auquel le
discours s'adresse. On verra plus loin que la preuve de cette prise en charge
comme la preuve de la non-prise en charge sont représentées, entre autres, par
des procédés polyphoniques de reprise et de rapport de certains fragments de
discours sous la forme des citations, références, bibliographies, etc. qui
jouent également comme instances d'argumentation.
Le
discours scientifique ne représente (presque) jamais une prise de parole sans
rapport avec d'autres échanges. Il s'inscrit toujours dans une tradition
interactive communicative. De par là, comme tout discours et comme toute action
sociale, il possède deux composantes: l'une, réactive et l'autre, initiative.
La composante réactive du discours scientifique est représentée par le cadre
de référence de chaque instance de discours, qui, d'une part, le précise (les
disciplines, les théories) et, d'autre part, lui donne un objet. La composante
initiative du discours scientifique correspond à la formulation d'une question
de débat ou de recherche à partir d'hypothèses. Formuler une question de
recherche ou de débat scientifique revient toujours à rétrécir soit une
simple question de débat ordinaire (c'est plutôt le cas des sciences sociales),
soit une question de débat ou de recherche scientifique particulière. Ce rétrécissement
va de pair avec une définition, une description et une précision de l'objet et
un approfondissement du domaine. C'est pourquoi on peut souscrire aux
affirmations suivantes: “le discours scientifique transforme l'objet dont on
parle du statut de objet-das en objet-was … [il] est toujours
rapporté à un objet qu'il n'est pas, et il joue le rôle de principe de détermination
de cet objet” (Piguet 1960: 58). De
ce fait, le discours scientifique peut être considéré comme instance de
construction de savoirs, qui, à mesure qu'ils se précisent, deviennent des
croyances, des connaissances et des savoirs scientifiques (chez le destinataire
/ interlocuteur, mais aussi chez l’énonciateur). Ce qui correspond en grande
partie à la construction de nouveaux cadres de référence, à la construction
de domaines et de disciplines scientifiques.
Le
discours scientifique, comme la plupart des discours publics, est préparé à
l'avance, il a donc une organisation rigoureuse, étudiée au point de vue de l'énonciation
et de la structuration linguistique. Pour chaque domaine, science ou discipline,
on dispose: 1)d'un inventaire conceptuel, 2) de termes en mesure de rendre
maniable cet inventaire par les opérations discursives, 3) des opérations
discursives mêmes, auxquelles j'intègre ici principalement les théorèmes,
les lois, les définitions. Ces opérations discursives peuvent être représentés
comme des actes de langage complexes organisés méthodiquement.
Si
l'on se pose la question de l'identité de l'énonciateur, qui exige une
attention particulière à la mesure de sa complexité, on peut accepter comme
point de départ la remarque suivante: “l'auteur des paroles tenues par les
savants est moins «un” savant parmi d'autres, que la langue scientifique
elle-même, parlée plus ou moins justement par divers savants … c'est le
discours scientifique lui-même qui est au fond l'auteur des paroles tenues en
son nom.” (Piguet 1960: 59) Pourtant, il ne faut pas laisser de côté la part
inhérente de particulier dans ce type de communication: qui parle, à qui, et
dans quel contexte précis? La représentation que l'énonciateur se donne
du destinataire de ses propos comporte des éléments de certitude
concernant celui-ci: la compréhension de la terminologie; la compréhension des
phénomènes et des objectifs de recherche; les compétences scientifiques; la
reconnaissance des modèles expérimentaux utilisés et acceptés par la
communauté scientifique; la connaissance des théories, des méthodes et des
recherches antérieures; l'esprit attentif et critique; la capacité d'apprécier
et d'évaluer les éléments nouveaux. Par ces caractéristiques, le discours
scientifique s'inscrit dans une tradition.
À
l'opposé du discours ordinaire pratiqué dans la communication usuelle, le
discours scientifique est le «véhicule” de la communication scientifique,
qui suppose une explicitation des contenus véhiculés. Des points de vue
normatif et descriptif à la fois, dans la communication scientifique “la part
de l'implicite et de l'allusif est réduite au minimum.” (Briet et al. 1998:
9) Mais des différences peuvent être enregistrées dans la manière de
construction du discours scientifique en fonction de la tradition culturelle, ce
qui implique que d'une civilisation à une autre “la rhétorique du discours
scientifique peut varier” (Briet et al. 1998: 9) [2].
On
peut évoquer aussi la question de la professionalisation d'une science qui va
de pair avec le raffinement discursif. L'étude du discours scientifique a
permis l'identification de 15 indices qui signalent cette professionnalisation,
parmi lesquels les six premiers comme importance sont: l'emploi croissant des nominalisations;
les interruptions sujet-verbe; les citations; la terminologie
technique; la simplicité des phrases; les représentations graphiques
denses (tableaux, graphes). (Battalio 1998: xviii)
D'autres
facteurs peuvent être aussi pris en compte lors d'une analyse du discours
scientifique, comme par exemple: la longueur des phrases; le métadiscours
(renvoyant au raisonnement de l'auteur, à la structure du discours même, à
l'acte de lecture); l'emploi des pronoms personnels; les marques
impersonnelles; les formes verbales (constructions, verbes de
rapport, temps, modes); la subordination; les évidentiels, ou
indices / marques d'évidentialité (fiabilité évidentielle, croyance,
déduction, ouï-dire, induction, citation, données sensorielles, attentes).
3. Discours
scientifique et argumentation
Conformément à
l'enseignement d'Aristote, les bases d'une argumentation sont représentées par
le logos (l'appel à la logique et au raisonnement), l'ethos (les
caractéristiques de l'orateur: qualités, compétences, qualifications, expérience)
et le pathos (l'appel aux sentiments de l'auditoire). Dans le discours
scientifique, toutefois, le dernier aspect est censé être absent, d'abord d'un
point de vue normatif puisque le discours scientifique repose avant tout sur
l'appel à la logique et au raisonnement. Le discours scientifique n'est donc
pas compatible avec certains systèmes: le pathos (émotions,
sentiments), l'esthétique (qui fait appel toujours aux émotions, mais
d'ordre esthétique dans ce cas; v. pourtant infra, sur les Lieux), le polémique
(qui cède la place simplement à la réfutation), le politique (Battalio
1991: 81).
Puisqu'il
est véhicule de modèles, de valeurs et de faits, puisqu'il anime d'un
sentiment communautaire, le discours scientifique acquiert des valences
symboliques et se caractérise par plusieurs composantes à caractère persuasif:
1. l'étude et l'imitation des paradigmes reconnus et admis
pendant la période de formation et initiation à un certain domaine
scientifique (cette étape est généralement franchie au bout des études
universitaires; certains s'arrêtent là dans leur “exploit” scientifique et
se dirigent vers la professionalisation et, du point de vue communicationnel et
discursif, adoptent la communication professionnelle et les discours
professionnels, qui ne sont pas moins persuasifs); 2. la création de
nouveaux paradigmes; 3. le contexte déterminé par des variables (financement,
base matérielle, intérêt des collègues); 4. le public auquel il est
adressé; 5. la rationalité, dirigée vers la solution de problèmes; 6.
l'invention / inventivité.
Le
rôle que joue l'argumentation dans le discours scientifique n'est guère à négliger:
“Quoi que la science puisse être d'autre, elle est aussi argumentation
concernant des problèmes situés auxquels se confrontent des publics spécifiques
qui doivent se prononcer sur la rationalité des thèses qui portent sur cette
problématique” (Prelli 2001: 73-74) [3]. Cette assertion propose en réalité
plusieurs pistes de réflexion auxquelles il faut s'intéresser dans la
discussion sur l'argumentation scientifique: la rationalité de la démarche,
l'objet du discours scientifique – les problèmes scientifiques -, et les
acteurs qui participent à l'échange (qui sont déterminés par plusieurs
contraintes). On voit ainsi s'esquisser le champ de toute une aire de
questionnement et de recherche scientifiques: l'argumentation scientifique.
On
considère que l'un des principes de base sur lequel repose l'argumentation
scientifique consiste à soutenir une thèse de manière rationnelle, tout en
prenant en charge et éventuellement en élargissant les connaissances et la
compréhension du monde caractéristiques d'une certaine communauté (Prelli
2001: 65) [4]. C'est de cette manière
qu'on peut donner des réponses aux problèmes scientifiques. La rationalité de
la démarche sera à la mesure des moyens mis en œuvre pour l'éclairement de
la problématique et pour la recherche des solutions. Une argumentation
scientifique se construit toujours afin d'appuyer et de défendre une conclusion
scientifique. Ainsi, le discours des sciences peut-il être vu comme la
meilleure illustration de ce que doit être un discours raisonné. Pour que
l'argumentation soit bien construite et donc efficace, ses bases doivent être
représentées par des données empiriques fiables et un raisonnement logique
valide. (cf. Derry 1999: 89)
Les
obstacles qui se posent à la volonté d'une communauté scientifique de
continuer à comprendre ou à élargir sa compréhension du monde sont des problèmes
scientifiques. Le discours scientifique porte donc sur des «problèmes
scientifiques», et propose des voies scientifiques de solution sous la forme
des thèses proposées au public scientifique. Comme les problèmes
scientifiques mêmes, les thèses sont de nature évidentielle, si elles
concernent les données, interprétative, si elles concernent les «construits
scientifiques” (les théories, les approches, les principes, les perspectives
d'étude et les interprétations qu'on donne des théories, des données et des
phénomènes), méthodologique, si elles concernent les divers procédés
et méthodes, et évaluative, si elles portent sur la signification et
l'importance des problèmes en question et des solutions qui leur sont données.
(cf. aussi Prelli 2001: 65) [5]
À
cette systématisation de la nature des problèmes scientifiques, il faut
ajouter les distinctions opérées par la rhétorique classique entre les divers
types d'apects qui peuvent caractériser un problème: l'aspect conjectural
peut être pris en compte tant pour ce qui existe que pour ce qui n'existe pas;
l'aspect définitionnel concerne le sens de ce qui existe; l'aspect ou
les aspects qualitatif(s) porte(nt) sur les manières dont ce qui existe
et a un sens fonctionne dans un contexte plus ou moins particulier; l'aspect ou
les aspects translatif(s) concerne(nt) les actions et les procédures qui
conviennent mieux à la solution des problèmes situés (cf. Prelli 2001: 66).
4. Lieux /
Topoï
"Quand
il s'agit de fonder des valeurs ou des hiérachies, ou de renforcer l'intensité
de l'adhésion qu'elles suscitent, on peut les rattacher à d'autres valeurs ou
à d'autres hiérarchies, pour les consolider, mais on peut aussi avoir recours
à des prémisses d'ordre très général, que nous qualifierons du nom de lieux,
les topoi,
d'où dérivent les Topiques, ou traités consacrés au raisonnement
dialectique. … les lieux désignent des rubriques sous lesquelles on peut
classer les arguments, … des magasins d'arguments.”
(Perelman
et Olbrechts-Tyteca 1958: 112; cf. aussi Cicéron, Topiques, II, § 7; Partitiones
oratoriae, § 5; Quintilien, vol. II, liv. 5, chap. X, § 20.
Dans
ce même contexte, il reste encore à aborder un aspect lié à l'activité
d'argumentation, à savoir les topoï, ou loci, ou bien ces
espaces conceptuels (Lieux) où peuvent être retrouvés les types
d'arguments les plus adéquats, les plus pertinents (j'utilise le terme avec le
sens que lui donne la Théorie de la pertinence) dans un co(n)texte précis.
Une classe de Lieux Scientifiques est celle qui réunit les Lieux de l'ethos
scientifique: universalité, communauté, désintérêt, scépticisme organisé.
L'argumentation
scientifique repose, d'autre part, sur des Lieux Scientifiques qu'on peut
organiser en trois autres classes:
1. pour la solution des
problèmes:
Lieux
des forces explicative, prédictive et généralisante; ces
forces, plus particulièrement, sont des Lieux plus convenables à
l'argumentation sur des questions théoriques et à la solution des problèmes
(cf. l'analyse topique proposée et illustrée par Prelli 2001: 66 et sv.);
Lieux
de la taxonomie, de l'anomalie scientifique, de la précision /
adéquation empirique (compétences expérimentale et d'observation),
de la reproduction (des phénomènes), de la corroboration;
2. pour l'évaluation:
Lieux
de la clarté, de la cohérence extérieure (avec les savoirs)
et intérieure (avec les divers éléments de la recherche), de l'extension
du domaine (que fait profiter la recherche), de l'originalité,
de la simplicité de présentation, de la fertilité, de la conformité
esthétique (symétrie, équilibre des modèles et des représentations);
3. pour l'illustration:
Lieux
de l'analogie, de l'exemple et de la métaphore.
L’organisation
rigoureuse des articles et des communications scientifiques est la preuve du
fait que l'activité d'élaboration du discours scientifique (peut-être le plus
laborieux à construire) repose sur une logique des Lieux - une logique pratique
topique -, ou bien une «logique rhétorique» de l'argumentation (Prelli 2001:
74). C'est ainsi que se construit une rhétorique de la science, soutenue par
une «dialectique scientifique», qui peut se définir comme “la
logique qui valide la rhétorique scientifique” et qui représente un
support pour les hommes de science dans leurs activités de sélection, interprétation
et application des principes méthodologiques particuliers, de justification des
prémisses initiales, de soutien ou de rejet des hypothèses scientifiques. (cf.
Pera 1994: 108)
Enfin,
discuter du statut de l'argumentation dans le discours scientifique, revient à
toujours prendre en compte les acteurs, et discuter à propos d'un argument et
de sa construction en étroite relation avec:
1)
les identités respectives de celui qui l'énonce et de celui ou ceux à qui il
est destiné;
2)
le «canal» ou médium ou support qui le porte;
3)
l'espace culturel où il est produit, reçu et interprété;
4)
l'objet du discours scientifique même.
Les
publics scientifiques participent intimement à l’identification des prémisses
et des conclusions implicites et ont la capacité d'extrapoler à partir de cas
particuliers et d'exemples. En outre, ils décident de la rationalité d'une thèse
conformément à des critères quasi-généraux ou déterminés par la
tradition, la pratique, l'expérience, l'entraînement au raisonnement
scientifique, la connaissance de la méthodologie de recherche.
Tout discours scientifique peut être ainsi conçu comme une réflexion
d'autres discours, car les
thèses qu'il propose portent sur des problèmes scientifiques et des thèses
ailleurs débattues et proposées, respectivement.
5.
Argumentation, types d’arguments et marqueurs linguistiques dans le discours
scientifique
La présentation qui suit
a pour but de mettre en évidence des structures linguistiques qui peuvent être
considérées comme des marqueurs de quelques types et sous-types d’arguments
qui peuvent être identifiés comme des constantes du discours scientifique et
du discours de vulgarisation scientifique. [6] Ces arguments servent
d’habitude à étayer plusieurs types de thèses, que l’on pourrait formuler
ainsi:
1)
une thèse – à caractère universel – de la science et des scientifiques,
à savoir celle conformément à laquelle la recherche scientifique est justifiée
/ conduit à des découvertes utiles / fonctionnelles / bénéfiques au progrès
de l’humanité;
2)
une thèse – à caractère général – des scientifiques, à savoir celle
conformément à laquelle toute recherche particulière est au profit de la
science / de l’humanité en son ensemble / d’une communauté identifiée
comme telle;
3)
une thèse – à caractère particulier – des scientifiques engagés dans une
recherche, à savoir celle conformément à laquelle la recherche présentée
est de nature à faire progresser la science / la discipline dans les cadres
desquels ils travaillent;
4)
une thèse – à caractère individuel - des scientifiques engagés dans une
recherche, à savoir celle conformément à laquelle la recherche entreprise et
les conclusions obtenues font effectivement avancer leur domaine – de par leur
originalité, méthode de recherche, etc.
À
de telles thèses, implicites dans le discours scientifique, s’ajoutent les
points de vue particuliers formulés par les scientifiques dans les cadres de
leurs recherches diverses, qui pourront, à leur tour, être soutenus par des
arguments du même type que ceux présentés ci-dessous et d’autres divers
types.
6.
L'argument par le fait
6.1. L’argument de l'existence /de
l’inexistence
X
existe / n’existe pas / est (presque / à peu près / quasiment) inexistant
Le
point de vue formulé de manière implicite par l’interviewer dans l’extrait
ci-dessous, concernant l’amélioration de la redistribution des contributions
à la Sécurité sociale en Suisse, est attaqué par le scientifique qui le nie
partiellement, pour ce qui est de l’AVS:
Où
voyez-vous un potentiel d’amélioration ?
K:
Il est presque inexistant du côté de l’AVS qui, avec des rentes
plafonnées, produit une claire redistribution des richesses du haut vers le
bas. [Horizons 61: 5]
6.2. L’argument de / par la preuve
La formule type peut être
identifiée sous
(La
découverte de) X est une preuve / n’est pas une preuve
La
découverte de preuves sert – dans la science – à la validation des modèles
théoriques, des théories formulées sans appui expérimental:
Outre
leur valeur intrinsèque, ces découvertes archéologiques rendent un
fier service aux géographes: «Elles permettent de valider les modèles
climatiques, ainsi que leurs conséquences. Il s’agit donc d’une
‘application’ de la climatologie. Mais aussi d’un processus itératif qui
nous permet d’avancer dans les recherches dans cette branche. [Horizons
61: 11]
De
même, dans l’extrait suivant, qui illustre la force de l’argument par la
preuve:
Pour
la première fois, dans une étude publiée dans Science en octobre 2002,
le géographe M. G. et son équipe ont pu prouver, grâce à divers objets
mis au jour (pointes de flèches, os, etc.), que cette absence humaine était
due au climat aride régnant dans cette région, alors qu’avant 9000 et après
4500 B.P.*, ce désert était une zone humide où s’étalaient lacs et végétation.
Les modèles théoriques trouvaient là une étonnante vérification. (* B.P. =
Before Present, en anglais, c’est-à-dire avant 1950) [Horizons 61: 10]
6.3. L’argument par la définition
X se définit comme /
représente / est / serait …
Le terme X signifie …
Les
définitions, surtout les définitions descriptives, peuvent être invoquées
comme des arguments de nature quasi-logique (Perelman & Olbrechts-Tyteca
1958: 282-288). Les définitions ont ainsi un usage argumentatif qui “suppose
la possibilité de définitions multiples, empruntées à l’usage ou créées
par l’auteur, entre lesquelles il est indispensable de faire un choix”
(Idem: 288). Dans l’extrait ci-dessous, un scientifique plaide, par le biais
de la définition, en faveur de l’idée qu’une symbiose d’un type
particulier s’est développée entre graminées, mouches et champignons, à
l’encontre d’un point de vue communément répandu, conformément auquel une
symbiose devrait avoir des avantages pour les organismes entre lesquels s’établit
une telle relation:
A.
L. … avait tout d’abord étudié la symbiose existant entre la graminée et
le champignon avant de constater le rôle joué par la mouche. Ces partenaires
forment ainsi un ménage à trois dans lequel l’état de dépendance n’est
pas le même pour tous. Seuls, la mouche et le champignon auraient des difficultés,
alors que la graminée pourrait plutôt mieux s’en tirer
sans les deux autres. On peut malgré tout parler de symbiose car, selon
le professeur, ce terme signifie à l’origine simplement vie commune,
qu’elle soit utile ou nuisible. [Horizons 61: 22]
La définition établit une identité entre les termes de l’équivalence, qui deviennent ainsi substituables du point de vue logique.
6.4. L’argument de la quantité
L’argument de la quantité repose sur l’identification d’une différence entre des valeurs numériques, quantitatives, la supériorité s'appliquant “aussi bien aux valeurs positives que négatives” (Perelman & Olbrechts-Tyteca 1958: 115). La formule générale d’un tel argument serait
X
est en quantité plus grande / réduite que …
6.4.1. L’argument du nombre
X est du nombre de … /
mesure … / pèse / se situe à une profondeur /distance de … / est quantifié
à …
Dans
l’extrait suivant, le locuteur donne pour argument explicite le nombre d’années
plus réduit qui plaide en faveur de l’incapacité des antibiotiques à résoudre
tous les problèmes posés par les virus:
V.
F. cherchait justement des gens pour un nouveau projet. … Les virus spécifiques
aux bactéries, le bactériophages, y jouaient un rôle essentiel. F. voulait
exploiter la capacité des enzymes des virus à détruire la membrane de leur
victime. En effet, ces enzymes possèdent deux avantages par rapport aux
antibiotiques usuels: ils sont spécifiques à une bactérie donnée et le
risque que les bactéries développent une résistance est faible. «Notre
meilleur argument est que les virus ont eu des millions d’années pour
trouver le point d’attaque parfait, alors que les antibiotiques n’en ont eu
que cinquante», souligne J. L. [Horizons
55: 33]
L’argument de la
quantité faible fonctionne dans ce cas implicitement comme argument contre la
thèse concernant l’efficacité des antibiotiques ordinaires, utilisés depuis
seulement cinquante ans. Le nombre réduit est valorisé argumentativement par
rapport au grand nombre, qui sert d’argument en faveur de la thèse que les
antibiotiques à base d’enzymes de virus seraient plus efficaces.
6.4.2. L’argument de la proportion
X
est directement / inversement proportionnel à …
X
est / n’est pas, en proportion, plus élevé / réduit que …
Dans
l’extrait ci-dessous, l’argument de la proportion plaide en faveur de
l’impossibilité des contributions des personnes à hauts revenus à la Sécurité
sociale de couvrir, par redistribution, les besoins des personnes à bas revenus:
…
Les personnes à haut revenu paient à l’AVS plus qu’elles ne touchent durat
leur retraite, mais le montant de leurs contributions n’est, en proportion,
pas plus élevé que celui des bas revenus. … [Horizons 61: 5]
Le
point de vue des chercheurs explicité dans le titre de l’article, “Ce
sont les faibles qui paient le plus”, est soutenu par cet argument.
6.4.3. L’argument de la durabilité
X est valable sur une durée
supérieure à Y / sur la plupart du temps
6.4.4. L’argument du probable
X est probable par
rapport à Y, qui est improbable / possible
6.5. L’argument de la complétude
X est complet
On a des connaissances
complètes sur X …
6.6. L’argument de la normalité / de l'habitude
X (événement) est
normal / habituel
6.7. L’argument de la qualité
L’argument de la qualité est utilisé lorsque l’argument de la quantité n’est pas jugé comme suffisamment fort, pertinent ou que le nombre n’est pas important de par la nature de ce dont on parle ou qu’il n’est pas suffisamment grand: “Les lieux de la qualité apparaissent, dans l'argumentation, et sont le mieux saisissables, quand l'on conteste la vertu du nombre.” (Perelman et Olbrechts-Tyteca 1958: 119)
X
se caractérise par / a les caractéristiques suivantes
L’argument de la rareté, de la difficulté, de l'exception, de l'unicité, de la nouveauté, de l'originalité, de la précarité, de l'irréparable, de l'irréversible
X
est rare / difficile à concevoir / exceptionnel / unique / nouveau / original /
précaire / irréparable / irréversible / n'est pas habituel / divers
Dans l’extrait suivant, on valorise certaines propriétés de l’antimatière pour argumenter en faveur de la possibilité oferte par celles-ci aux chercheurs d’explorer davantage cet univers:
«Pour
la première fois, on pourra faire des mesures physiques sur de l’antimatière,
car celle-ci est froide et donc lente !», s’enthousiasme
le physicien Claude Amsler … [Horizons 55: 7]
Dans un autre extrait, on met en évidence le caractère de nouveauté pour le valoriser par rapport à ce qui est déjà (re)connu, admis:
L’enthousiasme
est une qualité que J. L. apprécie particulièrement chez ses collègues américains:
«Leur devise: Think big!» Les nouvelles idées doivent être soutenues
et ce n’est pas si grave si elles n’aboutissent pas. En Suisse, en revanche,
on pense dès le début à tous les problèmes qui pourraient se poser. «Nous,
les Suisses, gardons volontiers notre science sous les boisseau.” [Horizons
55: 33]
On peut valoriser soit l'opposition entre unique et multiple, soit entre unique et divers. Ainsi, la valorisation des propriétés fonctionne argumentativement: “ce que nous considérons comme une valeur concrète nous paraît unique, mais c'est ce qui nous paraît unique qui nous devient précieux” (Perelman et Olbrechts-Tyteca 1958: 120):
Le
17 mars 1905, Einstein présente sa première idée de génie dans les pages de
la revue «Annalen der Physik». “Il s'agit d'un travail sur le rayonnement et
sur les propriétés énergétiques de la lumière, et il est révolutionnaire",
écrit-il à son ami C. H. [Horizons 64: 11]
"On parlera peut-être dans un discours scientifique de la deuxième loi de la thermodynamique, mais celle-ci ne sera considérée comme argument de l'irréparable que si l'on attribue une valeur à un certain état de l'univers.” (Perelman et Olbrechts-Tyteca 1958: 123)
6.8. L’argument par l'exemple
L’argument par l’exemple sert d’habitude à soutenir un point de vue par la mise en discours d’une situation particulière censée étayer une thèse scientifique ou appartenant à des scientifiques. Il est d'habitude considéré comme valide s'il est combiné avec un argument de la quantité positive. Les sous-types de l’argument par l’exemple peuvent se retouver sous des expressions linguistiques diverses qui explicitent l’idée d’illustration, d’expérience, d’observation.
6.8.1. L’argument par l'illustration
Ce sous-type d’argument peut se rencontrer, de manière explicite sous une formule du type
X
illustre / est une illustration de
Mais le cas le plus évident d’emploi d’un tel argument est peut-être celui à l’aide duquel on soutient une thèse par des illustrations implicites, à savoir par l’intermédiaire de représentations graphiques (tableaux, dessins) et, plus particulièrement, de photographies, prises à l’aide du microscope, des téléscopes, d’autres équipements de haute technologie permettant des illustrations spectaculaires, accompagnées de légendes ou explications concernant les éléments peu déchiffrables ou complètement opaques des photos en question. Les extraits suivants sont de courts textes (parfois des phases nominales) accompagnant des photos prises au microscope:
Les
filaments du champignon (lignes bleues) se propagent de la plante mère aux
semences.
Traces
laissées par les larves sur la fructification du champignon.
Les
filaments du champignon (lignes bleues) croissent entre les cellules végétales
à travers toute la graminée.
[Horizons 61: 23]
Dans d’autres cas, si le texte de l’article est suffisamment clair, seule la photo en question est donnée sans précisions exprimée sous forme linguistique.
6.8.2. L’argument de l'expérience
Les diverses formules explicitent l’idée d’expérience, comme dans l’extrait ci-dessous:
Ainsi,
l’expérience aurait déjà produit et détecté 50 000
antiatomes. [Horizons 55: 7]
6.8.3. L’argument par l'observation
D’une manière semblable, les chercheurs précisent
souvent dans leurs présentations des études qu’à la base d’une thèse
qu’ils proposent à la communauté scientifique se trouvent des observations
qui étayent en fait un modèle théorique, le confirmant parfois:
«On
observe que ces étoiles massives naissent parfois par paquet, ce qu’on
appelle généralement des ‘starbusts’ ou en français des flambées d’étoiles.
On s’en est aperçu en observant des galaxies voisines à la nôtre. Il y
en a un exemple très intéressant dans la région ‘30 Daurade’ qui
appartient au Nuage de Magellan. Cela nous a permis de comprendre pas mal de
choses sur la genèse et l’influence de ces flambées.” [Horizons 55:
18]
7. Quelques
arguments en contexte
Les deux exemples de textes ci-dessous présentent, de manière schématique, les séquences qu’on a pu identifier dans les contextes respectifs comme argumentatives, avec une mise en vedette des expressions linguistiques qui correspondent, comme des marqueurs, aux différents arguments. Il y en a, parmi les arguments identifiés dans ces textes, qui n’ont pas été discuté dans le corps de l’article [7], mais qui sont aussi intéressants et importants que les autres (l’argument de la théorie, l’argument de la notoriété):
Le
développement d'outils miniaturisés nécessite une bonne connaissance des
propriétés mécaniques des nanomatériaux. La solidité et la dureté d'un métal,
constitué d'une multitude de petits cristaux (ou grains), sont inversement
proportionnelles [argument de la proportion] à la taille de ces
grains. Cependant, au-dessous d'une certaine taillle, ces constatations ne sont
plus valables.Lorsqu'un échantillon de nickel, dont la taille des grains
est supérieure à 100 nm (1 nm = 10 –9 m) subit [argument
de l'expérience] une déformation plastique* [argument de
l'irréversibilité], les mécanismes de déformation à l'œuvre
laissent une empreinte. La diffraction des rayons X permet de la mettre en évidence.
[argument de l'observation]
Ce
qui se passe au-dessous de ce seuil de 100 nm est encore nimbé de mystère.
[argument de la difficulté, appel au pathos] Afin de lever le
voile sur le monde de l'infiniment petit, Zelijka Budrovic et Helena Van
Swygenhoven, de l'Institut Paul Scherrer (PSI), ont développé de nouvelles
[argument de l'originalité] méthodes d'investigation permettant
d'observer la déformation de tels matériaux en temps réel. Combinées aux travaux
théoriques en cours [argument de la théorie], elles
permettront d'en savoir plus [argument de la quantité] sur les mécanismes
de déformation actifs à l'échelle nanoscopique. C'est à l'aide du nouveau
[argument de l'originalité] synchrotron Swiss Light Source du PSI et
d'un détecteur adapté à leurs besoins que les scientifiques ont analysé
des échantillons durant leur déformation. [argument de l'expérience]
Une surprise [appel au pathos] de taille les attendait:
l'empreinte n'est pas apparue! [appel au pathos] (Une déformation
est dite plastique lorsqu'elle est irréversible.)
[Horizons 61: 6]
En
forant la calotte glaciaire antarctique jusqu'à une profondeur de 3270 mètres
[argument du nombre], les chercheurs du projet européen EPICA, soutenu
notamment par le Fonds national suisse [argument de la notoriété],
ont ramené à la surface des glaces vieilles d'au moins 900000 ans [argument
du nombre]. Elles constituent les plus vieilles [argument de
l'originalité] archives climatiques et atmosphériques livrées par le
continent blanc.
C'est
sur le site pour le moins inhospitalier [appel au pathos]
de Dome C, dans l'est de l'Antarctique, que les scientifiques ont établi
ce nouveau record. Une température moyenne de –54ºC [argument
du nombre] ne leur a pas facilité [argument de la difficulté]
la tâche! [appel au pathos]
Le
forage s'est interrompu à seulement cinq mètres [argument du
nombre] du soubassement rocheux: à cette profondeur, la glace atteint en
effet sa température de fusion [argument de la théorie], et les
chercheurs n'ont pas voulu courir le risque de contaminer les eaux
souterraines [argument du probable].
[Horizons 64: 6]
8. De
l'argument politique étayé par l’argument par le fait
L’argument politique
peut être représenté comme un argument par lequel on prescrit un certain
cours d'actions à entreprendre, on donne des prescriptions, on adopte la
modalité déontique: ce qui doit être fait, entrepris. Il est pratiqué
surtout dans les études des sciences sociales mais aussi dans d'autres domaines.
La distinction qu'on peut faire entre étude scientifique et recherche
proprement dite est que le premier type vise en général un but initial
prescriptif, dans le sens qu'elle est commandée, requise par, ou nécessaire
à, une institution ou un organisme quelconque avec l'objectif de connaître de
façon scientifique ou d'étayer sur une approche scientifique la direction et
le type des mesures à prendre en vue d'une démarche à faire, en d'autres mots,
une politique quelconque (politique publique, éducationnelle, de recherche,
administrative, économique, commerciale, etc.). La recherche scientifique, à
la différence des études scientifiques, se fait avec un but purement épistémique
et ontologique, en vue de produire des connaissances sur le monde, et
peut aboutir à des conclusions d'ordre prescriptif. Les topoï invoqués dans
les deux cas sont ceux du bien collectif, du méritoire, du convenable, de
l'usage, de l'avantage, du profitable, accessoirement de la tradition, de
l'esprit civique, nationaliste ou internationaliste, du rationnel, de l'honnêteté.
En général, les arguments par les faits viennent appuyer les arguments
politiques. Pour être convenablement étayé, l'argument politique peut procéder
à partir des faits, c'est pourquoi, dans ce cas, on peut considérer l'argument
par le fait comme un sous-type d'argument subordonné à l'argument politique.
9.
Remarques finales
Les arguments par les faits
peuvent se présenter parfois sous la forme de prémisses, ne devant pas être
explicités à tout instant ou dans tous les cas. Les types et sous-types
d’arguments présentés dans cet article n’épuisent aucunement les
typologies possibles, cette présentation visant une schématisation des
directions de recherche possibles. Au sein de chaque type d’argument pris en
discussion peuvent être identifiés d’autres sous-types et la classification
même des arguments et leur approche peuvent se faire aussi d’autres manières.
[1]
Je remercie le Laboratoire CNRS Communication et Politique (LCP) de Paris
et, plus particulièrement, sa directrice adjointe, Mme Isabelle Sourbès-Verger,
pour le chaleureux accueil réservé au laboratoire en 2005-2006 et pour le
soutien financier accordé pour cette recherche dans les cadres d’une
recherche plus ample concernant les Stratégies argumentatives. Je remercie également
Mme Marianne Doury, chercheur scientifique au LCP et directeur de l’Atelier de
recherche Argumentation, pour les précieuses suggestions et commentaires
sur mes recherches déroulées au laboratoire. Les fondements théoriques de
cette recherche ont été identifiés dans le cadre du stage financé par la
Mairie de la Ville de Paris au sein de son programme international de mobilités
pour les chercheurs étrangers.
[2] Dans une note, les mêmes
auteurs font référence à la remarque du directeur de la revue scientifique La
Recherche qui sugnale que les article rédigés en anglais doivent être
complètement réécrits et non pas simplement traduits lors de leur publication
dans la revue, et ceci en vertu du fait que “la rhétorique du discours
scientifique n;est pas la même dans la culture française et dans la culture
nord-américaine", cf. G. Alvarez, “Débats", in Civilisation et
communication, Actes de la 1ère biennale de l'Alliance française,
13-17 juin 1983, in Topiques 6, Buenos Aires, 1983, p. 63 (cité par
Briet et al. 1998: 9).
[3] “Whatever
else science might be, it is also argumentation abous situated problems that
confront audiences who must adjudicate the reasonableness of claims addressed to
(73) those problems."
[4] “…
a fundamental principle governing scientific argumentation is that reasonable
claim making involves maintaining or extending comprehension of some part of the
natural world that concerns a specific community of interest."
[5] “Though the specific problems chosen and their formulation vary
considerably, we still can make generalisations about the kinds of
problems scientists address when they make and evaluate arguments about science.
(…) Scientists identify and adress ambiguities or defects in evidence and
data, in prevailing theories and interpretations, in received methods and
procedures, and in the significance of proffered claims for the research
community. Respectively, these recurrent kinds of problems or ambiguities are evidential,
interpretive, methodological, and evaluative."
[6] Cette
présentation n’est qu’une esquisse de typologisation et de possible
taxinomie. Elle repose sur une recherche de plus amples dimensions, dont je
donne ici un aperçu synthétique. Les exemples ne sont pas puisés à de véritables
discours scientifiques, mais à des articles de dimensions plus réduites du
magazine scientifiqe Horizons, publication du Fonds National de Recherche
Scientifique de Suisse. Ces articles sont destinés à un public plus large qui
s’intéresse aux progrès de la recherche scientifique, ils n’utilisent pas
une terminologie trop difficile à comprendre et les explications scientifiques
sont largement compréhensibles. Telles sont les caractéristiques essentielles
qui ont plaidé en faveur du choix et de l’utilisation de ce corpus pour les
exemples de l’article présent.
[7] Pour des raisons d’espace typographique.
Sources
des exemples
Horizons, Magazine Suisse de la
Recherche, édité par le Fonds Suisse de la Recherche Scientifique, Berne; numéros:
55 / décembre 2002; 61 / juin 2004; 64 / mars 2005.
Références
ASTOLFI, Jean-Pierre, Éliane DAROT, Yvette GINSBURGER-VOGEL
& Jacques TOUSSAINT. 1998. Mots-clés de la didactique des sciences.
De Boeck Université.
BATTALIO, John. 1998. The Rhetoric of Science in the
Evolution of American Ornithological Discourse. London: Ablex Publishers.
BRIET, Geneviève, Luc COLLÈS, Laure DESTERCKE, Azam
SEKHAVAT & Alain BLONDEL. 1998. Que voulez-vous dire? Compétence
culturelle et stratégies didactiques. De Boeck Université.
DERRY, Gregory
N. 1999. What Science Is and How It Works. Princeton, NJ: Princeton
University Press.
HALLIDAY, M. A.
K. & J. R. MARTIN. 1993. Writing
science, literacy and discursive power. Pittsburgh: University of Pittsburgh Press.
PIGUET, J.-Claude. 1960.
De l'Esthétique à la Métaphysique. La Haye: Martinus Nijhoff.
PERA, Marcello.1994. The Discourses of Science,
trad. de l'italien par Clarissa Botsford. Chicago: University of Chicago Press.
PRELLI, Lawrence J. 2001. Arguments
about Science, in Susan Stocklmayer et al. (eds): 63-81.
STOCKLMAYER, Susan M., Michael L. GORE & Chris
BRYANT. 2001. Science Communication in Theory and Practice. Kluwer Academic Publishers